Ballades au Nord Laos

Outre le fait d'être petit par sa superficie et petit par sa population, le Laos présente la particularité de n'avoir pas d'accès à la mer et d'être entouré de pays voisins économiquement puissants.

Le Laos est rarement évoqué dans les médias occidentaux, en comparaison du Vietnam ou de la Thaïlande par exemple. Mais il suit son petit bonhomme de chemin, à son rythme certes, mais un rythme qui s'accélère.

 

Déjà, l'inscription de la ville de Luang Prabang au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1995 a été une étape marquante dans la relation du Laos avec l'industrie du tourisme. Le nombre de touristes à avoir choisi la destination Laos est passé de 350000 en 1995 à 4150000 en 2014 dont 5% d'européens (21).

 

Que le voyageur n'intègre pas la visite de ce site exceptionnel dans son programme lors d'un premier séjour dans ce pays, serait difficilement concevable. Pour autant, le coup de projecteur que constitue le classement UNESCO sur Luang Prabang et son patrimoine architectural et religieux, ne doit pas estomper d'autres sujets qui ne sont pas dénués d'intérêt, en particulier le patrimoine ethnolinguistique (10), ou les richesses naturelles et la biodiversité.

Les images présentées dans cette galerie sont issues de plusieurs séjours que j'ai effectués dans le nord du Laos entre 2012 et 2016, en tant que vacancier ordinaire et photographe amateur. Ces séjours ont coïncidé principalement avec la période juillet/août, c'est à dire la saison des pluies.

Bien qu'il se trouve dans cette galerie des images de Luang Prabang réalisées au cours de ces mêmes voyages, je me suis focalisé sur le Phongsaly méridional et j'y ai limité le territoire exploré à une partie des districts de Khoua et de May, autant dire un confetti à l'échelle du Laos (Figure 1).

 

 Figure 1 : Emprise du territoire exploré sur le fond de carte des limites administratives

 

Compte tenu de mes moyens logistiques limités et d'un équipement photographique léger et compact, je n'ai pas cherché à illustrer certains taxons. Photographier de grands animaux sauvages tels que des félins ou des cervidés, ou même des oiseaux, relève d'une autre démarche et requiert un équipement et des moyens logistiques plus conséquents.

 

La région visitée connaît des changements importants depuis déjà quelques années. Ces changements sont visibles à plusieurs échelles de lecture, tout d'abord à l'échelle du territoire et de la grande unité paysagère, mais également à l'échelle de la trame villageoise ou urbaine.

 

Ainsi, le long de certains axes de communication très empruntés, on voit fleurir les stations de distribution de carburants. Le pompiste qui auparavant servait une clientèle de proximité à partir de fûts avec pompe manuelle et verre doseur, a dû changer de métier. J'ai constaté sur plusieurs années se suivant, un accroissement significatif du trafic de camions destinés au transport de marchandises, sur les axes qui conduisent aux frontières de la Chine et du Vietnam.

 

Des ponts traditionnels en bambou disparaissent et sont remplacés par des ponts construits en acier et béton. Ailleurs, des ponts apparaissent, enjambant des cours d'eau qu'on traversait auparavant en utilisant les services d'un batelier.

 

Les chefs de plusieurs villages reculés que j'ai pu interroger, indiquent que le raccordement de leur village au réseau électrique est programmé pour 2020. Bien sûr, le financement et la programmation sont une chose, mais il pourrait y avoir encore des imprévus avant le lancement de la phase opérationnelle. Néanmoins, on doit s'attendre à une multiplication des travaux d'envergure dans les prochaines années.

 

Les évolutions concernent aussi les pratiques agraires. Les parcelles disponibles sur versant pour la culture du riz de montagne, de plantes vivrières telles que le manioc ou d'arbres fruitiers en mixité avec des îlots de forêt secondaire, selon la pratique ancestrale de l'abattis-brûlis, se réduisent au profit de l'hévéa, exploité pour le latex ou comme bois d'oeuvre.

 

Dans cette région de moyenne montagne entaillée par de profonds ravins et généreusement irriguée par un dense chevelu de ruisseaux, de rivières et d'affluents, les rapports au temps, les rapports à l'homme et les rapports à la météo (surtout en saison des pluies) font que rien ne semble vouloir être comme hier, ni comme demain. Tout change en permanence. Lorsqu'on s'arrête sur un sujet dont on pense pouvoir tirer une belle image, il ne faut pas se dire : "de toute façon, je repasse par ici au retour", ou bien "demain, je serai encore dans le coin, j'aurai une meilleure lumière" ou "j'aurai moins de pluie",...Il faut la faire cette photo, sans plus attendre, pour ne rien regretter. Car quelques heures plus tard, le pont aura peut-être été  emporté par une crue, ou un paquet de boue dégluti par un pan de falaise imbibé d'eau aura barré la piste, ou la chenille bien que réputée lente, se sera déplacée et deviendra introuvable.

 

En août, c'est le vert qui domine, celui des versants et des sommets boisés, celui du maïs, du riz de montagne, du sésame et du manioc, tous en pleine croissance de leur partie végétative. Mais août est aussi la période des pluies et contrairement aux clichés, celles-ci peuvent survenir à tout moment. J'ai subi fin juillet / début août 2015, 11 jours de pluies sans discontinuer sous la forme d'un crachin, et globalement 23 jours avec pluie sur un total de 30 jours de vacances. Ce mois d'août 2015 dans ce secteur géographique du sud Phongsaly fut néanmoins particulier, marqué par un gonflement impressionnant des cours d'eau, des parcelles de riz et de maïs sur berges, dévastées, des bananiers à terre, de nombreuses coulées de boues et des chutes de pierre ou d'arbres.

 

Paradoxalement, août est aussi un mois qui ne se prête pas forcément à la marche à pied car lorsqu'il y fait chaud, il y fait vraiment très chaud. Il n'est pas agréable d'avoir la chemisette trempée dès 8h du matin après seulement une demi-heure de marche. De plus, l'état boueux des sentiers de forêt et le caractère glissant des terrains escarpés compliquent les déplacements.

 

Enfin, en août, il faut composer avec les sangsues et les tiques, et s'attendre à d'innombrables piqûres d'insectes. Je n'utilise pas de produits répulsifs, considérant qu'ils pourraient avoir une influence sur les sujets que je cherche à photographier.

 

Malgré les désagréments que présente un mois d'août, malgré les transformations inéluctables qui accompagnent le développement économique de cette région, que je constate et sur lesquelles je ne suis pas à même de porter un jugement, je n'ai pas été déçu par mes voyages, et cette portion de territoire reste encore aujourd'hui, à mes yeux, un coin de paradis pour les passionnés de nature.

 

Plutôt que de photographier des sujets précis en gros plan, j'ai essayé de traduire les ambiances, de montrer des sujets sans oublier leur environnement, de restituer des atmosphères particulières de situations de rupture, dans lesquelles je me suis parfois trouvé, comme par exemple les tout premiers instants après une pluie, ou encore le lever du jour. J'ai également inséré quelques portraits réalisés à l'occasion de rencontres lors de mes déplacements à pied ou dans des villages.

 

Dans les légendes et commentaires d'images, j'ai à côté de leur écriture francisée, retranscrit certains mots lao dans l'alphabet phonétique international (API) pour en rendre la prononciation sinon plus facile, en tout cas plus proche de la réalité.

 

J'ai effectué cette transcription non pas à partir de l'écriture francisée qui souvent induit en erreur, mais en partant de la source : l'écriture lao ou la prononciation recueillie sur le terrain, et en analysant ensuite, chaque ensemble monosyllabique. Les ouvrages que j'utilise habituellement ayant chacun leur propre mode de transcription - ce qui est particulièrement déroutant - il a fallu faire un choix et je me suis finalement appuyé sur l'API tel que le propose INTHAMONE (2005) (voir onglet bibliographie). Les transcriptions apparaissent entre crochets, par convention.

 

A ce sujet et en guise d'anecdote, je me suis toujours demandé si les habitants de Luang Prabang n'avaient pas un accent particulier. Un jour en effet, je répétais dans une conversation avec une vendeuse de jus de fruit, plusieurs fois le mot Mà:k ki:aŋ qui signifie "orange", sans jamais parvenir à me faire comprendre. Je n'avais pas encore connu pareille situation même au fin fond du Phongsaly. En fait, la raison de cette incompréhension était que mon prononcé du "ki:" de "ki:aŋ" n'était pas assez long. Au vu de la réaction de la personne en face, je compris que ce fut même le trou noir complet, le contexte ne semblant pas lui avoir été d'une aide quelconque ce qui fut d'autant plus déstabilisant. Je reprenais subitement conscience de la subtilité d'une langue tonale avec la hauteur de ses consonnes et la longueur de ses voyelles. Heureusement et comme en toute chose, persévérance aidant, je me voyais progresser.

 

J'ai prévu de consacrer partiellement un autre voyage à cette région du Phongsaly méridional avant de définir un autre coin à explorer et à photographier, qui sera situé plus au nord et probablement en rapport avec l'altitude. La galerie d'images est donc appelée à être modifiée et pour cela je vous donne rendez-vous fin 2018. Mais j'espère que déjà par son contenu actuel, elle parvient à restituer autant que possible, l'atmosphère des lieux.

 

 

Date de création du site : 18 décembre 2016.

Plan du site : celui-ci contient plusieurs galeries de chacune une vingtaine d'images légendées, auxquelles a été ajouté un carrousel. L'ordre dans lequel apparaissent les images est déconnecté de toute logique particulière d'itinéraire, et de toute description selon une typologie d'habitat.