Qui suis-je ? Mon rapport à la nature, et celui à la photographie

Vacancier ordinaire avec quelques semaines de congés par an, photographe amateur et occasionnel avec à peu près un mois de pratique chaque année, je me considère à cet égard, finalement assez peu différent des autres.

 

Mon rapport à la nature remonte à l'époque où, gamin, armé d'un filet à papillons bricolé avec un cône en mousseline de moustiquaire et un rond en ferraille fixé à un manche à balai, je parcourais des sentiers dans la forêt pluviale autour de Gamba au Gabon, à la recherche de Charaxes (*) sur des crottes de civettes.

 

Ce fut une période d'insouciance et de pur bonheur de plusieurs années au cours desquelles mes loisirs consistaient à fabriquer des étaloirs en contreplaqué et à dévorer des ouvrages spécialisés sur les papillons africains, que j'avais demandé à mes parents alors expatriés dans ce coin perdu d'Afrique, de faire venir d'Angleterre et du Nigeria.

 

J'ai délaissé cet univers fascinant des lépidoptères jusqu'au jour où, à l'occasion d'un voyage au Vietnam, j'ai découvert l'île de Cat Ba.

 

La concentration en papillons, en phasmes et en capricornes dans la forêt de Cat Ba, en ce mois d'octobre 2002, m'émerveille, et en même temps, me sidère. Mais pour traduire ce petit monde en images, il faut disposer d'un équipement photographique particulier que je n'ai pas, car je suis venu au Vietnam pour le portrait et non pour la macro. Je ne suis jamais retourné à Cat Ba mais indéniablement, l'endroit m'a marqué.

 

Le vrai retour aux sources, je le vivrai en 2012 lors d'un second voyage au Laos, dans le sud Phongsaly, où je parviens à tirer parti d'un objectif macro des années 80 qu'un ami m'a offert après l'avoir déniché dans une brocante, et que j'arrive à greffer sur mon boîtier à l'aide d'une bague d'adaptation. Le fonctionnement est certes en "tout manuel", mais on s'y fait.

 

Curieusement, je retrouve avec cet intérêt ravivé pour l'entomofaune, des réflexes de terrain du temps jadis et que je croyais perdus. Qui n'a pas écrit un jour : on ne guérit jamais de son enfance ?

 

Désormais, mes voyages au Laos ne peuvent plus se concevoir sans objectif macro, même si je n'ai pas de préférence pour tel ou tel genre photographique en particulier.

 

Mon rapport à la photographie remonte précisément à l'année du Baccalauréat. J'avais intérêt à l'avoir du premier coup. Le "deal" était en effet le suivant : "tu auras un appareil photo si tu décroches ton Bac". Tout était dit.

 

Cette même année du Bac et les années qui suivent, sont une période de grande production de photos de nature : d'oiseaux à l'affût, de paysages, de fleurs, et de papillons qu'auparavant je chassais.

 

Puis vient un jour où sans pouvoir l'expliquer, je me détourne de la photo de nature, abandonnant définitivement le film inversible pour explorer la photo de reportage et le portrait en noir et blanc. Cela se fera avec 2 appareils moyen format achetés d'occasion.

 

Jusqu'alors totalement indifférent au noir et blanc, peut-être par méconnaissance ou par manque de maturité, je suis cette fois, fasciné par ce mode d'expression. Les images des CAPA, BISCHOF et autre KOUDELKA m'obsèdent. Par delà le regard personnel de l'auteur, il y a dans chaque image, cet énigmatique mélange de simplicité, de rigueur et de synthèse. Et de fait, une belle image en noir et blanc, avec une composition "aux petits oignons" ou avec un cadrage percutant servi par des noirs profonds, me fait toujours quelque chose.

 

Les nombreuses nuits que j'ai pu passer sous l'agrandisseur à tirer du négatif sur du papier de prestige, et à reprendre le travail depuis le début chaque fois que le résultat ne me convenait pas, en raison parfois, d'un détail, ont eu au moins ceci de positif : je suis désormais plus attentif au cadrage et aux arrières plans. Il est une chose en effet que je n'ai pas oubliée : certaines erreurs commises à la prise de vue ne sont pas rattrapables au tirage. Dans un contexte plus actuel avec l'avènement du numérique, il est préférable de soigner la prise de vue pour éviter le travail fastidieux de retouche en post-production, dont j'ai horreur.

 

Bien qu'ayant basculé complètement dans la couleur à partir de 2014 - je n'ose pas dire définitivement - le fait de m'être frotté au noir et blanc à la fois en prise de vue et en tirage, pendant une dizaine d'années, a été un bienfait.

 

Pour autant et je n'ai pas honte de le dire : oui, bien sûr, je rate beaucoup de photos, et je continuerai à en rater beaucoup, et tant mieux. Produire une belle image est à la fois une quête et un défi. Et si j'étais assuré de produire une image parfaite à tous les coups, je pense que j'arrêterais la photo.

 

 

 

(*) : Les Charaxes (prononcer karaxès) sont des papillons africains dotés d'un corps puissant. Ils se distinguent par un vol rapide, saccadé et au ras du sol qui les rend difficiles à capturer en vol. Ils sont par contre plus faciles à capturer au repos, une fois grisés par les sucs contenus dans les excréments de genettes et de civettes, dont ils raffolent.

 


Quelques images réalisées avec un Rolleiflex 6x6 Planar au Nord Laos en 2012

 

 

 

Visage de minorité Phunoy.  Environs de Phongsaly, capitale de la province du même nom


 

 

 

Echoppe à Phongsaly


 

 

 

Visage de minorité Lenten. Environs de Luang Nam Tha, capitale de la province du même nom


 

 

 

Visage Lenten. Environs de Luang Nam Tha


 

 

 

Visages de minorité Khamu. Environs de Muang La. Province d'Oudomxay


 

 

 

Visage de minorité Khamu. Khoua district. Province de Phongsaly